Prenons
le temps d'un aperçu historique et contextuel.
- La situation économique et sociale au XVIIIe siècle
Les
historiens se fondent sur la démographie pour expliquer l'évolution
des sociétés,
Emmanuel Le Roy Ladurie identifie 3 modèles de
démographie campagnarde1
dans la période qui va de 1660 à 1789.
Avant
1720 : une mortalité encore importante « dépestiférée »
autrement dit sans de longues et dévastatrices épidémies de
peste, mais encore des épidémies et des famines plus circonscrites
qui ravagent les familles.
Le mariage est tardif et la chasteté
avant le mariage est la règle tant pour les garçons que pour les
filles.2
Cependant malgré un contrôle sévère et vertueux, la fécondité
est galopante dès le mariage : l'écart moyen entre les
grossesses est de 24 à 30 mois.
Au
début du 18ème siècle à partir de 1720, libérée de la famine,
de la peste et de la guerre, la population recommence à croître. Si
la mortalité reste élevée, liées aux épidémies localisées,
elle est moins massive.
Les
comportements sexuels se libèrent un peu : « le coitus
interruptus » qui va se pratiquer dans les couches urbaines
favorisées, gagne progressivement les campagnes, malgré
l'opposition de l'église.
A
la veille de la Révolution, le médecin va intervenir dans les
campagnes ( 1750-1775) des règles d'hygiène vont être imposées :
changement des paillasses lorsqu'elles sont souillées, interdiction
du couchage de 2 ou 3 personnes dans un lit contaminé, vaccination
obligatoire de la variole, des soins apportés par des professionnels
aux accouchées.3
Le
rite mortuaire se ''démocratise '' riches ou pauvres, tous au
cimetière !
Si
la natalité est moins soutenue, elle est largement compensée par une
mortalité enfantine qui régresse.
L'enfant va acquérir un nouveau
statut, mieux protégé par les parents, les rapports homme-femme
tendent à plus d'égalité.
Enfin
l'endogamie villageoise et familiale, source de mortalité et de
malformations de toutes sortes qui sévissaient dans toutes les
campagnes, va laisser place à des mariages extra territoriaux.
Les
paysans se déplacent plus, plus souvent, grâce au développement
des routes qui a pu se faire au siècle précédant à grand coup de
corvées paysannes.
La
transformation progressive des mœurs, un attention plus grande
portée à la vie domestique, et aux relations infra familiales
seront un des ressorts de la révolution qui s'annonce.
Ce
tableau général , d'une liberté individuelle plus grande qui
s'esquisse, doit être nuancé par les contextes économiques et
sociaux locaux qui sont le plus souvent un frein plutôt qu'un
accélérateur.
En Bretagne, plus que dans d 'autres régions la persistance
du pouvoir seigneurial et les abus de ses représentants, bloquent
l'évolution des campagnes, c'est plutôt un processus de déclin des
classes rurales qui s'engage.
Les
mouvements de révolte des paysans sont fréquents et sporadiques,
ils culminent rapidement : pillage de quelques demeures dont les
propriétaires sont accusés d'être des profiteurs, envoi de
délégations vers les autorités provinciales pour présenter les
revendications, formations de milices paysannes , mais vite rappelées
par les travaux des champs,les manifestations s'éteignent.
Dans
le meilleur des cas une obtient un réduction d'impôts et quelques
promesses, accompagnées d'une lettre de pardon. En revanche la
répression n'est jamais longue à venir.
Les
voyageurs et les administrateurs qui visitent la Bretagne en font un
tableau très négatif et jugent très durement la population.
«Les
Bretons ne sont ni industrieux, ni laborieux ; c'est ce qui fait
que les habitants du milieu de cette province sont assez pauvres et
adonnés à l'ivrognerie...
« le
laboureur ne travaille que pour lui.Sa prévoyance ne va point au
delà de son nécessaire;il s'endort sur ses besoins futurs,et il
s'en rapporte constamment à une Providence toujours juste, qui le
condamne souvent à des privations méritées par sa négligence;
alors il est au comble du malheur.....
« la
brutalité , le mépris des lois des gros paysans sont montés à un
si haut degré qu'il n'est pas possible à un domestique de les
servir sans courir les risques d'être exédés de coups et
d'invectives...rien ne porte plus à la violence et à la brutalité
que l'ivrognerie....on peut affirmer que la population des campagnes
est dans l'ensemble très inculte... »
Des
descriptions bien négatives et désobligeantes pour les Bretons qui
sont relativisées par l’extrême pauvreté qui règne dans les
années qui ont précédées la Révolution.
Les
épidémies ( typhoïde, variole, dysenterie, rougeole, petite
vérole) malnutrition chronique due aux disettes, de plus en plus
fréquentes ; le refus d'avoir recours aux médecins,
l'insalubrité des habitations autant de facteurs qui déciment les
familles et les villages
.
.
Des
villages entiers comme Plélan-le-Grand deviennent des fabricants de
toile : artisans ruraux, peu organisés ils fabriquent des «
toiles fortes ou d'usage,
toiles de halle et d'emballage »selon
la nomenclature établie par le règlement royal en 1736 et aussi du
tissu de laine.
L'activité
toilière est la ressource économique majeure de la Bretagne, mais
elle stagne à un niveau de petite industrie et d'artisanat qui sera
bientôt concurrencée par les Hollandais et les Anglais, qui
exporteront des produits de meilleure qualité.
En 1772 le gouvernement fait distribuer 75000 livres de riz, et une somme de 80000 livres, en 1775 l'intendant pour forcer les propriétaires à vendre leurs blés, fait venir de l'étranger des grains que l'on vend au-dessous du cours, de grands approvisionnements sont concentrés dans les grandes villes, en 1785 pour pallier les effets de la disette des fourrages , le roi accorde un secours de 200 000 livres et permet de faire paître le bétail dans les forêts royales. En 1786 une nouvelle subvention de 380 000 livres est accordée à la Bretagne. Des grains de lin st de chanvre sont distribués pour permettre aux paysans d’ensemencer leurs champs.
Il
n'y aura pas de révolution industrielle en Bretagne
En 1772 le gouvernement fait distribuer 75000 livres de riz, et une somme de 80000 livres, en 1775 l'intendant pour forcer les propriétaires à vendre leurs blés, fait venir de l'étranger des grains que l'on vend au-dessous du cours, de grands approvisionnements sont concentrés dans les grandes villes, en 1785 pour pallier les effets de la disette des fourrages , le roi accorde un secours de 200 000 livres et permet de faire paître le bétail dans les forêts royales. En 1786 une nouvelle subvention de 380 000 livres est accordée à la Bretagne. Des grains de lin st de chanvre sont distribués pour permettre aux paysans d’ensemencer leurs champs.
→ Les
rentes seigneuriales: les
paysans doivent des redevances en nature
et en argent à Noël , à Pâques, en août. Sauf exception les
redevances en argent ne sont pas très lourdes (quelques deniers par
journal) les redevances en nature sont beaucoup plus onéreuses,
elles concerne le froment, l'avoine , les volailles. Cependant la
rente reste relativement stable jusqu'en 1771, les nobles dont les
besoins financiers augmentent , ils les répercutent sur leurs
paysans.
→ Les
redevances personnelles : ce
sont toujours des redevances en nature , qui sont exigées par le
seigneurs soit en fonction du nombre de personnes composants la
famille, soit au niveau de la maisonnée comme le «droit
de fumage » qui
est celui d'avoir une cheminée.
→ Les
droits de gîte et de guet : corvées
au Moyen-Age, elles sont replacées par une faible redevance.
→ Les
droits de rachat, de lods et de ventes : ce
sont ceux qui rapportent le plus au seigneur, qui en fixe le montant
et les taux, auquel s'ajoute un impôt royal sur les successions « le
centième denier »
En
12 ans entre 1776 et 1788 les prix de rachats des baux des paysans
ont quintuplés ( de un peu plus de 1000 livres à plus 5400 livres)
→ Le
droit de Ban : c'est le
monopole de la vente du vin,pendant une période de 40 jours apès
les vendanges. L'obligation pour le paysan de faire moudre ses grains
au moulin du seigneur, un autre choix entraîne une amende. Le
meunier bénéficie d'un statut particulièrement avantageux , tant
au niveau de son bail ( moulin, maison, terres labourables, prairies)
en contrepartie il doit entretenir le moulin à ses frais et il
hérite des droits du seigneur qui est l'exigence de venir au moulin
de seigneur
quelques
soit la distance. En outre le meunier pas toujous très honnête
triche sur la qualité de la farine ( en la mélangeant, en
l'humidifiant pour la rendre plus lourde, donc plus chère). Compte
tenu de ces pratiques douteuses, certains paysans préfèrent
choisir leur meunier.
Le
moulin est d'un excellent rapport pour le seigneur, qui en possède
plusieurs , entre 600 à 800 livres par an et par moulin en 1783,
contre 350 à 400 livres en 1720.
L'augmentation
est régulière.
→ Le
droit de chasse, de pèche et de colombier : le
droit de chasse est formellement interdit aux paysans , car avec la
possession d'une arme ''on
peut facilement devenir un malfaiteur »
, les sabotiers, les bûcherons, et les scieurs de long sont les plus
suspects.
La
crainte de paysans armés est double : prélever le gibier pour
son propre compte, risque d 'agression et de révolte armée.
Mais le revers de la médaille est la présence de plus en plus
nombreuse des loups qui déciment les troupeaux.
La
pêche dans les rivières et les étangs est réservée au
seigneur.La vente du poisson est d'un bon rapport , ce qui prive le
paysan d'un revenu complémentaire et d'un aliment personnel.
La
droit d'élever des pigeons ''droit
de colomber'' n'appartient
qu'au seigneur avec des conséquences désastreuses sur les
semences.Les cahiers des paroisses s'en émeuvent régulièrement
« Les
grains mangés par les pigeons pourraient alimenter un quart de la
paroisse » à
Saint- Pern où l'on compte 22 colombiers et 1000 couples de pigeons.
→ Les
péages : la royauté
s 'efforce de réglementer les péages imposés par les
seigneurs sur les routes, les ponts et les bacs, les prix varient
selon la charge des charrettes de 1 à 4ou 5 deniers par passage.
→ Les
droits de foires et marchés :
les tarifs varient suivant les localités, seuls les nobles et les
ecclésiastiques en sont exempts.
A
cette liste impressionnante de droits du seigneur s'ajoute quelques
« usages et devoirs » divers
dont
les origines remontent au Moyen-Age, quelques fois ridicules et même
suffisamment outrageants, sont rapportés dans les Cahiers du Tiers
État à la Révolution.
Si
le siècle des Lumières est en marche, en Bretagne sa réalité est
inexistante.
En
revanche l'augmentation importante de tous les droits et redevances
entraînent un appauvrissement général de la population rurale de
la Bretagne au bénéfice des nobles et de la bourgeoisie urbaine.
- Qu'en est-il des fratries COTTO ?
Sur
la période de 1700 à 1789 les fratries vont évoluer de manière
très diverse : des très pauvres aux plus favorisées, tous
les cas de figures se côtoient
Parmi
la cohorte des Cotto on perçoit bien le déclin de ceux qui de
laboureurs sont devenus journaliers, ayant perdu leur terre. C'est le
cas d'un Pierre Cotto marié à Anne Mercerais, déjà veuve,ils
auront plus de 10 enfants.
En
revanche Jullien Cotto, manouvrier qui appartenait au ''clan ''
des pauvres dans la cohorte précédente, aura un fils, Jan (
1682-1727) qui améliora sa situation en devant tisserand (tixier)
il rejoindra les autres Cotto, aussi tisserands et suivront ainsi des
générations de tisserands, plus ou moins prospères.
Un
Geffroy Cotto, cousin,est trésorier de Plélan-le-Grand
Pour
faciliter le suivi générationnel, sauf exception, je retiens en
priorité les garçons vivants et mariés de la lignée de Guillaume
Cotto et Janne Salomon.
Les
3 fils Julien, Raoul et Mathurin sont tous les trois
laboureurs et tisserands, ils connaissent une vie de labeur plus
difficile, car aucun d'eux ne reprend le métier de marchand de loin
le plus lucratif , excepté Mathurin qui deviendra tixier et
marchand sur le tard. Aucun ne bénéficie des épithètes flatteurs
de ''noble ou honnête homme'' .
Quant
aux filles, elles ne semblent pas avoir un destin bien meilleur.
Janne est veuve de Joseph Duault dont elle aura 5
enfants en 9ans, elle se remarie à 26 ans avec Michel Detoc.
Anne
se marie avec Pierre Crubler, mais on la perd de vue.
Thérèse
épouse Pierre Catherinne, laboureur, frère de Jan,
boucher qui de son côté s'est marié avec sa cousine ; la
dynastie des bouchers se renforce et conserve un statut d'artisan
plus favorisé, elle évoluera tout au long du 18ème siècle.
Longère
de tisserand restaurée,à la Bonneraye, à l'origine le toit était
en chaume
au rez-de-chaussée, plus humide abritait le métier à tisser,
les pièces d'habitation, les chambres ,
étaient
au dessus.
La
maison a été bénie en 1640 selon une inscription portée sur une
poutre .
Cette
belle maison n'a pas grand chose à voir avec la majorité des
'' masures'' du village.
Julien
Cotto et Anne Tournelier
mariage
en 1656 | Raoul Cotto et
Janne Breillu
mariage en 1688 | Mathurin Cotto
et Louise Jalu Mariage en 1676 |
Les
trois frères, vivront sous le règne de Louis XIV, ils semblent
avoir des statuts proches et des destins communs.
Les
mariages et les baptêmes des enfants les réunissent régulièrement
et sont l’occasion de fêtes et de réjouissances, dans une
période de calme social et de relative aisance.
Julien
aura 4 enfants, Raoul 6 enfants, Mathurin 7
enfants.
On
observe bien une diminution de la fécondité, et une plus faible
mortalité infantile.
Julien et Raoul se marient un jeudi , l'un en janvier l'autre en novembre à Plélan-le-Grand.
Mathurin
qui ne fait rien comme les autres, se marie un mardi en mai ! À
Saint-Péran.
Mathurin
COTTO et Louise JALU
Mardi
12 mai 1696 Mariage de Mathurin et Louise
C'est
une grande fête, Janne sa mère est présente malgré son âge
avancé, ses frères et sœurs mariés, ses neveux et nièces, les
amis sont là pour fêter l’événement.
Tous
les ont suivis jusqu'à l'église, le curé de Saint- Péran les
accueille en aube et étole blanche, accompagné d'un clerc, il prend
la parole :
« Bonnes gens , nous sommes ici rassemblés pour parfaire le mariage de Mathurin Cotto et de Louise Jalu
Nous avons proclamé en notre sainte église trois bans, par trois jours différents.
« Bonnes gens , nous sommes ici rassemblés pour parfaire le mariage de Mathurin Cotto et de Louise Jalu
Nous avons proclamé en notre sainte église trois bans, par trois jours différents.
Que
s'il y a aucun ou aucune qui sache empêchement par quoi l'un ne puis
avoir l'autre en loi de mariage, le dise sous peine d'excommuniement.
»
Le prêtre fait une pause en parcourant l'assistance du regard.
Le prêtre fait une pause en parcourant l'assistance du regard.
«
Puisqu'il n'y a aucun empêchement, nous prierons tous et
supplierons la bonté et majesté de Dieu qu'il Lui plaise de
ratifier et avoir pour agréable le saint propos par Lui donné
à ces deux futurs époux. »
Le prêtre se tourne alors vers le marié et lui demande :
« Quel est ton nom ? »
« On me connaît sous le nom de Mathurin Cotto. »
Et de même à la mariée qui répond :
« On me connaît sous le nom de Louise Jalu»
Le prêtre enchaîne.
« Louise acceptes-tu de prendre librement pour époux Mathurin ?
« Oui. »
« Mathurin , veux-tu vraiment Louise pour épouse ? »
« Oui. »
Alors le prêtre tend les mains vers les époux et leur prend la main droite. Il place la main de Mathurin dans la main de Louise en disant :
«Louise je te remet Mathurin comme époux pour que tu le gardes, sain ou malade, et que tu lui conserves ta foi selon les commandements de l'Église. L'acceptes-tu ainsi ? »
« Oui je l'accepte. »
Puis inversant le geste et plaçant la main de la femme dans celle de l'homme, le prêtre dit :
« Mathurin je te remet Louise comme épouse pour que tu la gardes, saine ou malade, et que tu lui conserves ta foi selon les commandements de l'Église. L'acceptes-tu ainsi ? » :
« Oui je l'accepte. »
À ce moment le prêtre entoure les mains droites jointes des époux de l'extrémité de son étole en prononçant la formule suivante :
« Puisque vous avez donné pareil consentement à votre union, donnez-vous l'un à l'autre la foi que vous devez à Dieu et à la sainte Église. Gardez-vous mutuellement dans la parfaite fidélité et l'aide mutuelle, selon la règle et le dévouement du mariage. »
Le prêtre retire son étole et les mains se séparent. Il fait signe au clerc qui l'assiste d'apporter l'anneau et il le bénit.
« Créateur et conservateur du genre humain, Toi qui donne la grâce spirituelle et qui fais largesse de la vie éternelle, daigne envoyer ta bénédiction céleste sur cet anneau , œuvre d'un artisan, ta créature ; afin qu'en le portant, l'épouse soit munie de la protection céleste, qu'elle fuie les tentations du démon, qu'elle garde fidélité à son mari, qu'elle instruise ses enfants dans la piété, qu'elle trouve grâce auprès de tous et que par une conduite bonne sainte elle parvienne au salut éternel. »
Après la bénédiction, Louise et Mathurin s'échange les anneaux,
Le prêtre se tourne alors vers le marié et lui demande :
« Quel est ton nom ? »
« On me connaît sous le nom de Mathurin Cotto. »
Et de même à la mariée qui répond :
« On me connaît sous le nom de Louise Jalu»
Le prêtre enchaîne.
« Louise acceptes-tu de prendre librement pour époux Mathurin ?
« Oui. »
« Mathurin , veux-tu vraiment Louise pour épouse ? »
« Oui. »
Alors le prêtre tend les mains vers les époux et leur prend la main droite. Il place la main de Mathurin dans la main de Louise en disant :
«Louise je te remet Mathurin comme époux pour que tu le gardes, sain ou malade, et que tu lui conserves ta foi selon les commandements de l'Église. L'acceptes-tu ainsi ? »
« Oui je l'accepte. »
Puis inversant le geste et plaçant la main de la femme dans celle de l'homme, le prêtre dit :
« Mathurin je te remet Louise comme épouse pour que tu la gardes, saine ou malade, et que tu lui conserves ta foi selon les commandements de l'Église. L'acceptes-tu ainsi ? » :
« Oui je l'accepte. »
À ce moment le prêtre entoure les mains droites jointes des époux de l'extrémité de son étole en prononçant la formule suivante :
« Puisque vous avez donné pareil consentement à votre union, donnez-vous l'un à l'autre la foi que vous devez à Dieu et à la sainte Église. Gardez-vous mutuellement dans la parfaite fidélité et l'aide mutuelle, selon la règle et le dévouement du mariage. »
Le prêtre retire son étole et les mains se séparent. Il fait signe au clerc qui l'assiste d'apporter l'anneau et il le bénit.
« Créateur et conservateur du genre humain, Toi qui donne la grâce spirituelle et qui fais largesse de la vie éternelle, daigne envoyer ta bénédiction céleste sur cet anneau , œuvre d'un artisan, ta créature ; afin qu'en le portant, l'épouse soit munie de la protection céleste, qu'elle fuie les tentations du démon, qu'elle garde fidélité à son mari, qu'elle instruise ses enfants dans la piété, qu'elle trouve grâce auprès de tous et que par une conduite bonne sainte elle parvienne au salut éternel. »
Après la bénédiction, Louise et Mathurin s'échange les anneaux,
Les
mariés et tout le cortège sortent de l'église, Louise se sauve en
pleurant , Mathurin lui courre après avec toute la famille et les
joueurs de cornemuse et force sa femme à entrer dans la maison
conjugale. Ainsi le veut la coutume du rapt en
Bretagne.
Un
grand repas réunit famille et amis, on mange,on boit et on danse
longtemps, jusqu'à la tombée de la nuit.
Les
mariés sont alors accompagnés jusqu'au seuil de la chambre qui leur
est réservée pour leur nuit de noces.
Le
lendemain, mercredi, les amis viennent s'assurer que tout s'est bien
passé, et pour prolonger un peu la fête.
1
Petite reconstitution du mariage, en Bretagne à partir
de différents documents
Gilles Cotto et
Marie Houssay , mariage 20 février 1708
|
Fin
de règne de Louis XIV et règne de Louis XV.
1714 :
Catastrophe à Plélan-le-Grand : le tonnerre frappe et la
foudre enflamme le clocher , le Curé relate
ce « tragique accident » dans le registre de l’état
Civil le 25 avril 1714.
Gilles
est le seul enfant de Julien et Anne Tournelier dont on a la
trace.
Ce
sont de très jeunes mariés : il a 19ans, elle a 17ans.
Il
est tisserand sur la terre de la famille de sa femme, au Parissel, il
y devient laboureur en titre quand il hérite du bail son beau- père
en 1731, il a 43 ans.
Ils
ont 7 enfants : Joseph (1708) Guy (1710)
Janne (1711) Guillaume ( 1712 -1714) Grégoire
(1714) Pierre ( 1716) et Jean (1718) qui se répartissent sur
10 ans.
2
enfants décèdent , Guillaume à 2 anset Jean à 2 mois
Joseph
se marie à 20 ans avec Raoulette Chalmel
Janne,
très tardivement, à 39 ans avec Raoul Leray
Grégoire
à 27 ans avec Ollive Cotto
Pierre
à 28ans, avec Yvonne Detoc
Il
travaille très dur, sous la tutelle de son beau- père, autoritaire
et maître de la maisonnée qui réunit 2 familles,au total plus de
10 personnes, non compris les domestiques.
Le
fils, aidé d'un domestique part au champ dès 4 heures du matin ,
après avoir pris une grosse écuelle de soupe et de pain, vers 10
heures sa femme ou une de ses filles lui apporte une collation :
pain beurré et lait. Il rentre pour se mettre au tissage dans
l'après midi.
Sa
femme s'occupe du potager, de la cuisine et file le lin et le
chanvre ;
le
patriarche tisse , va au labour dans la journée et suit les affaires
du village
Le
soir le repas réunit toute la famille , le père en bout de table le
dos à la cheminée , sa femme et son beau fils à ses côtés, sa
fille et ses petits enfants sont assis par âge décroissant. Après
le bénédicité, le repas est pris dans le silence.
Les
autres branches Cotto directement liées, celles de Raoul et Mathurin
(oncles de Gilles) semblent mieux s'en sortir, Mathurin ,celui qui ne
fait rien comme les autres, reprendra le métier de marchand
tardivement, et Joachim son neveu ( fils de Raoul) sera aussi
marchand.
Le
1er juillet 1750 sont annoncées les fiançailles de Jeanne avec
Raoul le Ray, un veuf d'une quarantaine d'années et enfin Jeanne se
marie le 21 Juillet 1750 !
Un
mariage tardif qui ne donnera pas d'enfant.
Comment
évolue la fratrie Cotto/Tournelier ?
Joseph Cotto et Raoulette
Chalmel mariage17 février 1738 |
Grégoire Cotto et Ollive Cotto mariage 7 février 1741 remariage Anne Pouiot 1745 |
Pierre Cotto et Yvonne Detoc
mariage 6 février1744 |
Règne
de Louis XV.
Joseph
est tisserand, comme son père
il épouse à 29 ans la fille d'un laboureur de Tréffendel Raoulette
Chalmel,âgée de 23
ans.
Ils
s'installent pendant un peu plus d'un an, au Rocher près de
Trécouët.
Ils
ont 11 enfants entre 1739 et 1759.
Raoulette
Chalmel a 38 ans à la naissance de son dernier fils Gilles qui meurt
à l'âge de 6 ans et plus de 40 ans à la naissance de Anne,
dernière de la fratrie.
Pierre
est laboureur il épouse à
27ans Yvonne Detoc, fille de Jean Detoc laboureur « de
la même qualité » est
précisé sur l'acte de mariage.
Ils
auront 4 enfants au moins : Raoul( 1745) Monique (1746) Anne
(1747) Joseph( 1749)
Ils
s'installent au Chenas en tant que tisserand, qu'il quitte pour
s'installer à 40 kms de Plélan à Saint- Armel, il y reste environ
2 ans et revient à Plélan au Parissel et enfin au Trécouet
Lors
du mariage de Monique en 1775, il est possible de retracer les
difficultés rencontrées par le couple telles qu'elles sont
retranscrites par les notaires chargés d'établir l'état civil de
Monique qui a disparu des livres paroissiaux de Saint-Armel «
Après leurs épousailles ses parents ont vécu 4 ou 5 ans au Village
du Chesnas, ensuite à Plounel paroisse de Saint-Armel où a été
baptisée Monique, elle a 1 an quand ils quittent Saint-Armel pour le
Parissel....elle est âgée de près de 29 ans faits qui ne peuvent
pas être prouvés par le père et la mère qui sont morts , ainsi
que les parrain et marraine » témoins accrédités
Grégoire Cotto frère de Pierre , Jan fils de Joseph (autre frère)
jean Delalande cousin germain de sa mère.
Le
couple connaît de telles difficultés de cohabitation avec les
parents de l'épouse qu'ils quittent Plélan-le-Grand, c'est le
premier cas de décohabitation aussi éloigné. Des incidents
suffisamment graves pour que le couple partent à 40 kms !!
Sans
terre, sans ressources, Pierre est sûrement journalier.
Cependant
on peut penser que l'isolement ressenti est tel qu'ils reviennent à
Plélan, au Parissel près d'un membre de sa parentel et ensuite
chez Grégoire au Trecouët, qui a perdu sa femme en couches, et qui
se retrouve seul pour prendre en charge son fils, Pierre.
Grégoire
est laboureur et
tisserand ,il épouse Ollive Cotto
en février 1741, sa cousine au
3ème degré qui a été placée comme domestique à Saint-Péran.
Elle a 28 ans et Lui 26ans.
C'est
ici que se rencontrent à nouveau les branches identifiées au
siècle dernier, celle de Guillaume, le marchand et celle de Jullien
le manouvrier.
Ollive
accouche de Pierre
le 20 octobre 1741,
elle meurt dans la nuit et sera inhumée le 22 octobre 1741.
Il
se remarie avec Anne Pouiot en 1745, elle lui donnera 2
filles, Anne et Marie.
Anne
se marie en 1768 à 22 ans avec Guillaume Bourdin mais meurt en
couches, l'année suivante à 23 ans.Quant à Marie elle meurt à 12
mois.
Le
petit Pierre, fils de Grégoire et d'Ollive
Grégoire
reste seul avec son fils et la famille de son frère Pierre au
Trecouët pendant 4 ans, sa belle sœur Yvonne prend soin du bébé,
mais Grégoire est
plein attention pour son enfant, et il ne reprendra pas d'épouse
avant les 4 ans de son fils, âge auquel les mères cèdent la place
au curé pour assurer l'éducation des enfants1.
1Dès
la naissance d'un enfant, l’Église prenait en charge son âme
qu'elle confiait à la mère jusqu'à l'âge de 4ans ? Ensuite
elle prenait le relais par un auxiliaire du clergé ( le régent nom
donné à l'instituteur) qui se chargeait de son éducation
religieuse et de son instruction,jusqu'au jour de sa communion, à
12ans pour les filles et 14 ans pour les garçons.
Pierre
COTTO et Jeanne JUBAULT mariage le 13 juillet 1779
Sous
le règne de Louis XVI.
Pierre
est le seul descendant de Grégoire Cotto.
Pierre
et Jeanne se marient en 1779.Elle a 30 ans et Lui 37ans.
Leur
mariage est tardif mais peut s'expliquer par la situation économique
et les conditions de vie déplorables de cette période.
Les
années de 1776 à 1785 sont parmi les plus désastreuses qui
précèdent la Révolution. La misère n'a cessé de sévir, depuis
1766 les récoltes sont mauvaises , le prix des subsistances
s'élèvent de manière importante , la famine et les disettes se
succèdent.
En
1785 la sécheresse vient ruiner les pâturages et obligent les
cultivateurs à vendre leur bétail et leur terre à vil prix
Un
recteur écrit « Il
est
dans notre paroisse des familles composées de 8, 10,12 personnes
qui souvent n'ont pas entre tous 5 livres de pain pour vivre pendant
10 jours »
Un
autre « Le plus grand nombre des habitants des paroisses de
mon département sont sans ressources , nus , couchés sur la paille,
malades et manquent de pain.... »
Des
émeutes nombreuses vont éclater en 1788, et 1789 malgré les
mesures prises par le gouvernement qui fait venir du grains de
l'étranger pour combattre la spéculation des gros paysans, Il
organise des distribution de riz, il accorde des subventions aux
communes les plus démunies1
Les
vagabonds et et les mendiants peuplent les campagnes commettant des
délits et des crimes , là encore le gouvernement tente de prendre
des mesures en créant des aumônerie et des ateliers de charité,
pour venir en assistance aux plus démunis.
Le
siècle des Lumières est bien noir en Bretagne !!
Si l'élite urbaine bénéficie « des Lumières »
véhiculées par les intellectuels, « l'obscurantisme »
est prôné par ceux-la même qui chantent le progrès social.
Echange de lettres entre VOLTAIRE à Louis René de Carradeuc de la Chalotais, Procureur
général du Parlement de Rennes
Louis René de Carradeuc de la Chalotais, : « le
bien de la Société demande que les connaissances du peuple ne
s'étendent pas plus loin que ses préoccupations...»
ce
à quoi Voltaire lui répond : « Je vous remercie de
proscrire l'étude chez les laboureurs, moi qui cultive la terre, je
vous présente requête pour avoir des manœuvres et non des clercs
tonsurés... »
Jean-Jacques
ROUSSEAU, pour sa part n'en dit pas moins « ceux
qui sont destinés à vivre dans la simplicité champêtre n'ont pas
besoin pour être heureux du développement de leurs facultés et de
leurs talents qui sont enfouis comme les mines du Valais que le bien
public ne veut pas qu'on exploite...N'instruisez pas l'enfant du
villageois car il ne lui convient pas d'être instruit... »
L’Église
pour sa part est partagée entre le désir de bien évangéliser car
la religion doit s'apprendre
en lisant et la peur des
lectures subversives qui circulent.
Cependant
la famille COTTO semble résister
Entre
1780 et 1788 Pierre et Jeanne ont 4 enfants et une petite dernière
en 1797 qui va mourir à 7ans.
Perrine,
Joséphine (1780) Pierre ( 1783) Marie Anne (1785)
Jean (1788) Jeanne ( 1797) que nous retrouverons après
la Révolution.
Il
semble bien que les fratries ont resserré les liens pour surmonter
les obstacles. Les terres du Coudray, du Parissel et du Trécouët
sont toujours possédées par la famille, qui y vivent.
Grégoire,
le grand-père est toujours vivant, il a 67 ans à la naissance de sa
petite fille Perrine en 1780, et dont il est le parrain. Acte de
naissance qu'il signe d'une main plus hésitante.
Pierre
décède le 30 frimaire an VI à l'âge de 56 ans et Jeanne le 2
novembre 1812 à 63 ans.
Le
18e siècle ne met pas en ''lumière'' La Bretagne qui verse dans les
difficultés de tous ordres, les paysans pour la grande majorité
sont écrasés par leurs seigneurs et les petits notables qui les
servent.
D'une
manière générale, à part une ou deux familles qui sont dans une
assez grande pauvreté, les familles Cotto de Plélan-le-Grand n'ont
pas réellement progressé depuis le 17e siècle, mais elles ont tenu
face aux difficultés économiques. Les acquis ont sans doute aidé
les familles à s'en sortir et à préserver l'essentiel.
→ La situation de Plélan-le-Grand: L'industrie
et le commerce de la Bretagne dans la première partie du 18e siècle
-D'après le mémoire de l'intendant Des Gallois de la Tour –
Henri Sée
Plélan-le-Grand
est à l’écart des grands flux économiques de la toile, il n'y a
pas de gros fabricants spécialisés ni de maîtrise particulière de
la toile, en revanche les tisserands de Plélan fabriquent des
étoffes de laine qui sont destinées au marchés locaux.
Au
début du 18e siècle on compte 150 ouvriers employés au tissage,
les femmes et les filles étaient fileuses1.
Le
revenu journalier était de 8 à10 sols par jour pour le tisserand
et de 4à 5 sols pour la fileuse
En
1784 le revenu passe à 20 sols.
Pour
le laboureur l'activité de tisserand est considéré comme un
complément de revenus, très utile dans les périodes de mauvais
labour.
Cette
petite spécialisation lainière de Plélan-le-Grand procure du mieux
être mais elle n'a pas permis pour autant de faire fortune, ni a
contrario d'être ruiné quand le marché de la toile bretonne
s'effondrera au 19e siècle.