jeudi 3 janvier 2019

Les COTTO au siècle des Lumières, années sombres en Bretagne


Prenons le temps d'un aperçu historique et contextuel.
  • La situation économique et sociale au XVIIIe siècle

Les historiens se fondent sur la démographie pour expliquer l'évolution des sociétés,
Emmanuel Le Roy Ladurie identifie 3 modèles de démographie campagnarde1 dans la période qui va de 1660 à 1789.

Avant 1720 : une mortalité encore importante « dépestiférée » autrement dit sans de longues et dévastatrices épidémies de peste, mais encore des épidémies et des famines plus circonscrites qui ravagent les familles. 
Le mariage est tardif et la chasteté avant le mariage est la règle tant pour les garçons que pour les filles.2 Cependant malgré un contrôle sévère et vertueux, la fécondité est galopante dès le mariage : l'écart moyen entre les grossesses est de 24 à 30 mois.

Au début du 18ème siècle à partir de 1720, libérée de la famine, de la peste et de la guerre, la population recommence à croître. Si la mortalité reste élevée, liées aux épidémies localisées, elle est moins massive.

Les comportements sexuels se libèrent un peu : « le coitus interruptus » qui va se pratiquer dans les couches urbaines favorisées, gagne progressivement les campagnes, malgré l'opposition de l'église.

A la veille de la Révolution, le médecin va intervenir dans les campagnes ( 1750-1775) des règles d'hygiène vont être imposées : changement des paillasses lorsqu'elles sont souillées, interdiction du couchage de 2 ou 3 personnes dans un lit contaminé, vaccination obligatoire de la variole, des soins apportés par des professionnels aux accouchées.3

Le rite mortuaire se ''démocratise '' riches ou pauvres, tous au cimetière !

Si la natalité est moins soutenue, elle est largement compensée par une mortalité enfantine qui régresse. 
L'enfant va acquérir un nouveau statut, mieux protégé par les parents, les rapports homme-femme tendent à plus d'égalité.

Enfin l'endogamie villageoise et familiale, source de mortalité et de malformations de toutes sortes qui sévissaient dans toutes les campagnes, va laisser place à des mariages extra territoriaux.

Les paysans se déplacent plus, plus souvent, grâce au développement des routes qui a pu se faire au siècle précédant à grand coup de corvées paysannes.

La transformation progressive des mœurs, un attention plus grande portée à la vie domestique, et aux relations infra familiales seront un des ressorts de la révolution qui s'annonce.

Ce tableau général , d'une liberté individuelle plus grande qui s'esquisse, doit être nuancé par les contextes économiques et sociaux locaux qui sont le plus souvent un frein plutôt qu'un accélérateur.

En Bretagne, plus que dans d 'autres régions la persistance du pouvoir seigneurial et les abus de ses représentants, bloquent l'évolution des campagnes, c'est plutôt un processus de déclin des classes rurales qui s'engage.

Les mouvements de révolte des paysans sont fréquents et sporadiques, ils culminent rapidement : pillage de quelques demeures dont les propriétaires sont accusés d'être des profiteurs, envoi de délégations vers les autorités provinciales pour présenter les revendications, formations de milices paysannes , mais vite rappelées par les travaux des champs,les manifestations s'éteignent.

Dans le meilleur des cas une obtient un réduction d'impôts et quelques promesses, accompagnées d'une lettre de pardon. En revanche la répression n'est jamais longue à venir.

Les voyageurs et les administrateurs qui visitent la Bretagne en font un tableau très négatif et jugent très durement la population.


«Les Bretons ne sont ni industrieux, ni laborieux ; c'est ce qui fait que les habitants du milieu de cette province sont assez pauvres et adonnés à l'ivrognerie... 

«  le laboureur ne travaille que pour lui.Sa prévoyance ne va point au delà de son nécessaire;il s'endort sur ses besoins futurs,et il s'en rapporte constamment à une Providence toujours juste, qui le condamne souvent à des privations méritées par sa négligence; alors il est au comble du malheur.....

« la brutalité , le mépris des lois des gros paysans sont montés à un si haut degré qu'il n'est pas possible à un domestique de les servir sans courir les risques d'être exédés de coups et d'invectives...rien ne porte plus à la violence et à la brutalité que l'ivrognerie....on peut affirmer que la population des campagnes est dans l'ensemble très inculte... »


Des descriptions bien négatives et désobligeantes pour les Bretons qui sont relativisées par l’extrême pauvreté qui règne dans les années qui ont précédées la Révolution.

Les épidémies ( typhoïde, variole, dysenterie, rougeole, petite vérole) malnutrition chronique due aux disettes, de plus en plus fréquentes ; le refus d'avoir recours aux médecins, l'insalubrité des habitations autant de facteurs qui déciment les familles et les villages 
.
Des villages entiers comme Plélan-le-Grand deviennent des fabricants de toile : artisans ruraux, peu organisés ils fabriquent des «  toiles fortes ou d'usage, toiles de halle et d'emballage »selon la nomenclature établie par le règlement royal en 1736 et aussi du tissu de laine.
L'activité toilière est la ressource économique majeure de la Bretagne, mais elle stagne à un niveau de petite industrie et d'artisanat qui sera bientôt concurrencée par les Hollandais et les Anglais, qui exporteront des produits de meilleure qualité.
 En 1772 le gouvernement fait distribuer 75000 livres de riz, et une somme de 80000 livres, en 1775 l'intendant pour forcer les propriétaires à vendre leurs blés, fait venir de l'étranger des grains que l'on vend au-dessous du cours, de grands approvisionnements sont concentrés dans les grandes villes, en 1785 pour pallier les effets de la disette des fourrages , le roi accorde un secours de 200 000 livres et permet de faire paître le bétail dans les forêts royales. En 1786 une nouvelle subvention de 380 000 livres est accordée à la Bretagne. Des grains de lin st de chanvre sont distribués pour permettre aux paysans d’ensemencer leurs champs.

 Il n'y aura pas de révolution industrielle en Bretagne




Les rentes seigneuriales: les paysans doivent des redevances en nature et en argent à Noël , à Pâques, en août. Sauf exception les redevances en argent ne sont pas très lourdes (quelques deniers par journal) les redevances en nature sont beaucoup plus onéreuses, elles concerne le froment, l'avoine , les volailles. Cependant la rente reste relativement stable jusqu'en 1771, les nobles dont les besoins financiers augmentent , ils les répercutent sur leurs paysans.


Les redevances personnelles : ce sont toujours des redevances en nature , qui sont exigées par le seigneurs soit en fonction du nombre de personnes composants la famille, soit au niveau de la maisonnée comme le «droit de fumage » qui est celui d'avoir une cheminée.


Les droits de gîte et de guet : corvées au Moyen-Age, elles sont replacées par une faible redevance.


Les droits de rachat, de lods et de ventes : ce sont ceux qui rapportent le plus au seigneur, qui en fixe le montant et les taux, auquel s'ajoute un impôt royal sur les successions « le centième denier »

En 12 ans entre 1776 et 1788 les prix de rachats des baux des paysans ont quintuplés ( de un peu plus de 1000 livres à plus 5400 livres)


Le droit de Ban : c'est le monopole de la vente du vin,pendant une période de 40 jours apès les vendanges. L'obligation pour le paysan de faire moudre ses grains au moulin du seigneur, un autre choix entraîne une amende. Le meunier bénéficie d'un statut particulièrement avantageux , tant au niveau de son bail ( moulin, maison, terres labourables, prairies) en contrepartie il doit entretenir le moulin à ses frais et il hérite des droits du seigneur qui est l'exigence de venir au moulin de seigneur

quelques soit la distance. En outre le meunier pas toujous très honnête triche sur la qualité de la farine ( en la mélangeant, en l'humidifiant pour la rendre plus lourde, donc plus chère). Compte tenu de ces pratiques douteuses, certains paysans préfèrent choisir leur meunier.

Le moulin est d'un excellent rapport pour le seigneur, qui en possède plusieurs , entre 600 à 800 livres par an et par moulin en 1783, contre 350 à 400 livres en 1720.

L'augmentation est régulière.


Le droit de chasse, de pèche et de colombier : le droit de chasse est formellement interdit aux paysans , car avec la possession d'une arme ''on peut facilement devenir un malfaiteur » , les sabotiers, les bûcherons, et les scieurs de long sont les plus suspects.

La crainte de paysans armés est double : prélever le gibier pour son propre compte, risque d 'agression et de révolte armée. Mais le revers de la médaille est la présence de plus en plus nombreuse des loups qui déciment les troupeaux.

La pêche dans les rivières et les étangs est réservée au seigneur.La vente du poisson est d'un bon rapport , ce qui prive le paysan d'un revenu complémentaire et d'un aliment personnel.

La droit d'élever des pigeons ''droit de colomber'' n'appartient qu'au seigneur avec des conséquences désastreuses sur les semences.Les cahiers des paroisses s'en émeuvent régulièrement

« Les grains mangés par les pigeons pourraient alimenter un quart de la paroisse » à Saint- Pern où l'on compte 22 colombiers et 1000 couples de pigeons.


Les péages : la royauté s 'efforce de réglementer les péages imposés par les seigneurs sur les routes, les ponts et les bacs, les prix varient selon la charge des charrettes de 1 à 4ou 5 deniers par passage.


Les droits de foires et marchés : les tarifs varient suivant les localités, seuls les nobles et les ecclésiastiques en sont exempts.

A cette liste impressionnante de droits du seigneur s'ajoute quelques « usages et devoirs » divers

dont les origines remontent au Moyen-Age, quelques fois ridicules et même suffisamment outrageants, sont rapportés dans les Cahiers du Tiers État à la Révolution.


Si le siècle des Lumières est en marche, en Bretagne sa réalité est inexistante.

En revanche l'augmentation importante de tous les droits et redevances entraînent un appauvrissement général de la population rurale de la Bretagne au bénéfice des nobles et de la bourgeoisie urbaine.

 
  • Qu'en est-il des fratries COTTO ?
Sur la période de 1700 à 1789 les fratries vont évoluer de manière très diverse : des très pauvres aux plus favorisées, tous les cas de figures se côtoient
Parmi la cohorte des Cotto on perçoit bien le déclin de ceux qui de laboureurs sont devenus journaliers, ayant perdu leur terre. C'est le cas d'un Pierre Cotto marié à Anne Mercerais, déjà veuve,ils auront plus de 10 enfants.
En revanche Jullien Cotto, manouvrier qui appartenait au ''clan '' des pauvres dans la cohorte précédente, aura un fils, Jan ( 1682-1727) qui améliora sa situation en devant tisserand (tixier) il rejoindra les autres Cotto, aussi tisserands et suivront ainsi des générations de tisserands, plus ou moins prospères.
Un Geffroy Cotto, cousin,est trésorier de Plélan-le-Grand
Pour faciliter le suivi générationnel, sauf exception, je retiens en priorité les garçons vivants et mariés de la lignée de Guillaume Cotto et Janne Salomon.
Les 3 fils Julien, Raoul et Mathurin sont tous les trois laboureurs et tisserands, ils connaissent une vie de labeur plus difficile, car aucun d'eux ne reprend le métier de marchand de loin le plus lucratif , excepté Mathurin qui deviendra tixier et marchand sur le tard. Aucun ne bénéficie des épithètes flatteurs de ''noble ou honnête homme'' .
Quant aux filles, elles ne semblent pas avoir un destin bien meilleur. Janne est veuve de Joseph Duault dont elle aura 5 enfants en 9ans, elle se remarie à 26 ans avec Michel Detoc.
Anne se marie avec Pierre Crubler, mais on la perd de vue.
Thérèse épouse Pierre Catherinne, laboureur, frère de Jan, boucher qui de son côté s'est marié avec sa cousine ; la dynastie des bouchers se renforce et conserve un statut d'artisan plus favorisé, elle évoluera tout au long du 18ème siècle.



Longère de tisserand restaurée,à la Bonneraye, à l'origine le toit était en chaume
au rez-de-chaussée, plus humide abritait le métier à tisser, les pièces d'habitation, les chambres ,
étaient au dessus.
La maison a été bénie en 1640 selon une inscription portée sur une poutre .
Cette belle maison n'a pas grand chose à voir avec la majorité des '' masures'' du village.

 



Julien Cotto et Anne Tournelier
mariage en 1656
Raoul Cotto et Janne Breillu
mariage en 1688
Mathurin Cotto et Louise Jalu
Mariage en 1676

Les trois frères, vivront sous le règne de Louis XIV, ils semblent avoir des statuts proches et des destins communs.
Les mariages et les baptêmes des enfants les réunissent régulièrement et sont l’occasion de fêtes et de réjouissances, dans une période de calme social et de relative aisance.
Julien aura 4 enfants, Raoul 6 enfants, Mathurin 7 enfants.
On observe bien une diminution de la fécondité, et une plus faible mortalité infantile.

Julien et Raoul se marient un jeudi , l'un en janvier l'autre en novembre à Plélan-le-Grand.
Mathurin qui ne fait rien comme les autres, se marie un mardi en mai ! À Saint-Péran.

Mathurin COTTO et Louise JALU

Mardi 12 mai 1696 Mariage de Mathurin et Louise
C'est une grande fête, Janne sa mère est présente malgré son âge avancé, ses frères et sœurs mariés, ses neveux et nièces, les amis sont là pour fêter l’événement.
Tous les ont suivis jusqu'à l'église, le curé de Saint- Péran les accueille en aube et étole blanche, accompagné d'un clerc, il prend la parole :
« Bonnes gens , nous sommes ici rassemblés pour parfaire le mariage de Mathurin Cotto et de Louise Jalu
Nous avons proclamé en notre sainte église trois bans, par trois jours différents.
Que s'il y a aucun ou aucune qui sache empêchement par quoi l'un ne puis avoir l'autre en loi de mariage, le dise sous peine d'excommuniement. »
Le prêtre fait une pause en parcourant l'assistance du regard. 

  « Puisqu'il n'y a aucun empêchement, nous prierons tous et supplierons la bonté et majesté de Dieu qu'il Lui plaise de ratifier et avoir pour agréable le saint propos par Lui donné à ces deux futurs époux. »
Le prêtre se tourne alors vers le marié et lui demande :
« Quel est ton nom ? »
« On me connaît sous le nom de Mathurin Cotto. »
Et de même à la mariée qui répond :
« On me connaît sous le nom de Louise Jalu»
Le prêtre enchaîne.
« Louise acceptes-tu de prendre librement pour époux Mathurin ?
« Oui. »
« Mathurin , veux-tu vraiment Louise pour épouse ? »
« Oui. »
Alors le prêtre tend les mains vers les époux et leur prend la main droite. Il place la main de Mathurin dans la main de Louise en disant :
«Louise je te remet Mathurin comme époux pour que tu le gardes, sain ou malade, et que tu lui conserves ta foi selon les commandements de l'Église. L'acceptes-tu ainsi ? »
« Oui je l'accepte. »
Puis inversant le geste et plaçant la main de la femme dans celle de l'homme, le prêtre dit :
« Mathurin je te remet Louise comme épouse pour que tu la gardes, saine ou malade, et que tu lui conserves ta foi selon les commandements de l'Église. L'acceptes-tu ainsi ? » :
« Oui je l'accepte.
»
À ce moment le prêtre entoure les mains droites jointes des époux de l'extrémité de son étole en prononçant la formule suivante :
« Puisque vous avez donné pareil consentement à votre union, donnez-vous l'un à l'autre la foi que vous devez à Dieu et à la sainte Église. Gardez-vous mutuellement dans la parfaite fidélité et l'aide mutuelle, selon la règle et le dévouement du mariage. »
Le prêtre retire son étole et les mains se séparent. Il fait signe au clerc qui l'assiste d'apporter l'anneau et il le bénit.
« Créateur et conservateur du genre humain, Toi qui donne la grâce spirituelle et qui fais largesse de la vie éternelle, daigne envoyer ta bénédiction céleste sur cet anneau , œuvre d'un artisan, ta créature ; afin qu'en le portant, l'épouse soit munie de la protection céleste, qu'elle fuie les tentations du démon, qu'elle garde fidélité à son mari, qu'elle instruise ses enfants dans la piété, qu'elle trouve grâce auprès de tous et que par une conduite bonne sainte elle parvienne au salut éternel. »
Après la bénédiction, Louise et Mathurin s'échange les anneaux,

Les mariés et tout le cortège sortent de l'église, Louise se sauve en pleurant , Mathurin lui courre après avec toute la famille et les joueurs de cornemuse et force sa femme à entrer dans la maison conjugale. Ainsi le veut la coutume du rapt en Bretagne.
Un grand repas réunit famille et amis, on mange,on boit et on danse longtemps, jusqu'à la tombée de la nuit.
Les mariés sont alors accompagnés jusqu'au seuil de la chambre qui leur est réservée pour leur nuit de noces.
Le lendemain, mercredi, les amis viennent s'assurer que tout s'est bien passé, et pour prolonger un peu la fête.
1 Petite reconstitution du mariage, en Bretagne à partir de différents documents
 

 

Gilles Cotto et Marie Houssay , mariage 20 février 1708


Fin de règne de Louis XIV et règne de Louis XV.
1714 : Catastrophe à Plélan-le-Grand : le tonnerre frappe et la foudre enflamme le clocher , le Curé relate ce « tragique accident » dans le registre de l’état Civil le 25 avril 1714.
Gilles est le seul enfant de Julien et Anne Tournelier dont on a la trace.
Ce sont de très jeunes mariés : il a 19ans, elle a 17ans.
Il est tisserand sur la terre de la famille de sa femme, au Parissel, il y devient laboureur en titre quand il hérite du bail son beau- père en 1731, il a 43 ans.
Ils ont 7 enfants : Joseph (1708) Guy (1710) Janne (1711) Guillaume ( 1712 -1714) Grégoire (1714) Pierre ( 1716) et Jean (1718) qui se répartissent sur 10 ans.
2 enfants décèdent , Guillaume à 2 anset Jean à 2 mois
Joseph se marie à 20 ans avec Raoulette Chalmel
Janne, très tardivement, à 39 ans avec Raoul Leray
Grégoire à 27 ans avec Ollive Cotto
Pierre à 28ans, avec Yvonne Detoc
Il travaille très dur, sous la tutelle de son beau- père, autoritaire et maître de la maisonnée qui réunit 2 familles,au total plus de 10 personnes, non compris les domestiques.
Le fils, aidé d'un domestique part au champ dès 4 heures du matin , après avoir pris une grosse écuelle de soupe et de pain, vers 10 heures sa femme ou une de ses filles lui apporte une collation : pain beurré et lait. Il rentre pour se mettre au tissage dans l'après midi.
Sa femme s'occupe du potager, de la cuisine et file le lin et le chanvre ;
le patriarche tisse , va au labour dans la journée et suit les affaires du village
Le soir le repas réunit toute la famille , le père en bout de table le dos à la cheminée , sa femme et son beau fils à ses côtés, sa fille et ses petits enfants sont assis par âge décroissant. Après le bénédicité, le repas est pris dans le silence.

Les autres branches Cotto directement liées, celles de Raoul et Mathurin (oncles de Gilles) semblent mieux s'en sortir, Mathurin ,celui qui ne fait rien comme les autres, reprendra le métier de marchand tardivement, et Joachim son neveu ( fils de Raoul) sera aussi marchand.

Le 1er juillet 1750 sont annoncées les fiançailles de Jeanne avec Raoul le Ray, un veuf d'une quarantaine d'années et enfin Jeanne se marie le 21 Juillet 1750 !
Un mariage tardif qui ne donnera pas d'enfant.


Comment évolue la fratrie Cotto/Tournelier ?


Joseph Cotto et Raoulette
Chalmel
mariage17 février 1738
Grégoire Cotto et Ollive Cotto
mariage 7 février 1741
remariage Anne Pouiot 1745
Pierre Cotto et Yvonne Detoc
mariage 6 février1744

Règne de Louis XV.
Joseph est tisserand, comme son père il épouse à 29 ans la fille d'un laboureur de Tréffendel Raoulette Chalmel,âgée de 23 ans.
Ils s'installent pendant un peu plus d'un an, au Rocher près de Trécouët.
Ils ont 11 enfants entre 1739 et 1759.
Raoulette Chalmel a 38 ans à la naissance de son dernier fils Gilles qui meurt à l'âge de 6 ans et plus de 40 ans à la naissance de Anne, dernière de la fratrie.
Pierre est laboureur il épouse à 27ans Yvonne Detoc, fille de Jean Detoc laboureur « de la même qualité » est précisé sur l'acte de mariage.
Ils auront 4 enfants au moins : Raoul( 1745) Monique (1746) Anne (1747) Joseph( 1749)
Ils s'installent au Chenas en tant que tisserand, qu'il quitte pour s'installer à 40 kms de Plélan à Saint- Armel, il y reste environ 2 ans et revient à Plélan au Parissel et enfin au Trécouet
Lors du mariage de Monique en 1775, il est possible de retracer les difficultés rencontrées par le couple telles qu'elles sont retranscrites par les notaires chargés d'établir l'état civil de Monique qui a disparu des livres paroissiaux de Saint-Armel  «  Après leurs épousailles ses parents ont vécu 4 ou 5 ans au Village du Chesnas, ensuite à Plounel paroisse de Saint-Armel où a été baptisée Monique, elle a 1 an quand ils quittent Saint-Armel pour le Parissel....elle est âgée de près de 29 ans faits qui ne peuvent pas être prouvés par le père et la mère qui sont morts , ainsi que les parrain et marraine » témoins accrédités Grégoire Cotto frère de Pierre , Jan fils de Joseph (autre frère) jean Delalande cousin germain de sa mère.
Le couple connaît de telles difficultés de cohabitation avec les parents de l'épouse qu'ils quittent Plélan-le-Grand, c'est le premier cas de décohabitation aussi éloigné. Des incidents suffisamment graves pour que le couple partent à 40 kms !!
Sans terre, sans ressources, Pierre est sûrement journalier.
Cependant on peut penser que l'isolement ressenti est tel qu'ils reviennent à Plélan, au Parissel près d'un membre de sa parentel et ensuite chez Grégoire au Trecouët, qui a perdu sa femme en couches, et qui se retrouve seul pour prendre en charge son fils, Pierre.

Grégoire est laboureur et tisserand ,il épouse Ollive Cotto en février 1741, sa cousine au 3ème degré qui a été placée comme domestique à Saint-Péran. Elle a 28 ans et Lui 26ans.
C'est ici que se rencontrent à nouveau les branches identifiées au siècle dernier, celle de Guillaume, le marchand et celle de Jullien le manouvrier.
Ollive accouche de Pierre le 20 octobre 1741, elle meurt dans la nuit et sera inhumée le 22 octobre 1741.
Il se remarie avec Anne Pouiot en 1745, elle lui donnera 2 filles, Anne et Marie.
Anne se marie en 1768 à 22 ans avec Guillaume Bourdin mais meurt en couches, l'année suivante à 23 ans.Quant à Marie elle meurt à 12 mois.
Le petit Pierre, fils de Grégoire et d'Ollive
Grégoire reste seul avec son fils et la famille de son frère Pierre au Trecouët pendant 4 ans, sa belle sœur Yvonne prend soin du bébé, mais Grégoire est plein attention pour son enfant, et il ne reprendra pas d'épouse avant les 4 ans de son fils, âge auquel les mères cèdent la place au curé pour assurer l'éducation des enfants1.
1Dès la naissance d'un enfant, l’Église prenait en charge son âme qu'elle confiait à la mère jusqu'à l'âge de 4ans ? Ensuite elle prenait le relais par un auxiliaire du clergé ( le régent nom donné à l'instituteur) qui se chargeait de son éducation religieuse et de son instruction,jusqu'au jour de sa communion, à 12ans pour les filles et 14 ans pour les garçons. 

Pierre COTTO et Jeanne JUBAULT mariage le 13 juillet 1779

Sous le règne de Louis XVI.
Pierre est le seul descendant de Grégoire Cotto.
Pierre et Jeanne se marient en 1779.Elle a 30 ans et Lui 37ans.
Leur mariage est tardif mais peut s'expliquer par la situation économique et les conditions de vie déplorables de cette période.
Les années de 1776 à 1785 sont parmi les plus désastreuses qui précèdent la Révolution. La misère n'a cessé de sévir, depuis 1766 les récoltes sont mauvaises , le prix des subsistances s'élèvent de manière importante , la famine et les disettes se succèdent.
En 1785 la sécheresse vient ruiner les pâturages et obligent les cultivateurs à vendre leur bétail et leur terre à vil prix
Un recteur écrit « Il est dans notre paroisse des familles composées de 8, 10,12 personnes qui souvent n'ont pas entre tous 5 livres de pain pour vivre pendant 10 jours »
Un autre «  Le plus grand nombre des habitants des paroisses de mon département sont sans ressources , nus , couchés sur la paille, malades et manquent de pain.... »
Des émeutes nombreuses vont éclater en 1788, et 1789 malgré les mesures prises par le gouvernement qui fait venir du grains de l'étranger pour combattre la spéculation des gros paysans, Il organise des distribution de riz, il accorde des subventions aux communes les plus démunies1
Les vagabonds et et les mendiants peuplent les campagnes commettant des délits et des crimes , là encore le gouvernement tente de prendre des mesures en créant des aumônerie et des ateliers de charité, pour venir en assistance aux plus démunis.

Le siècle des Lumières est bien noir en Bretagne !!
Si l'élite urbaine bénéficie « des Lumières » véhiculées par les intellectuels, « l'obscurantisme » est prôné par ceux-la même qui chantent le progrès social.

Echange de lettres entre  VOLTAIRE à Louis René de Carradeuc de la Chalotais, Procureur général du Parlement de Rennes
Louis René de Carradeuc de la Chalotais,   : « le bien de la Société demande que les connaissances du peuple ne s'étendent pas plus loin que ses préoccupations...»

ce à quoi Voltaire lui répond : « Je vous remercie de proscrire l'étude chez les laboureurs, moi qui cultive la terre, je vous présente requête pour avoir des manœuvres et non des clercs tonsurés... »



Jean-Jacques ROUSSEAU, pour sa part n'en dit pas moins « ceux qui sont destinés à vivre dans la simplicité champêtre n'ont pas besoin pour être heureux du développement de leurs facultés et de leurs talents qui sont enfouis comme les mines du Valais que le bien public ne veut pas qu'on exploite...N'instruisez pas l'enfant du villageois car il ne lui convient pas d'être instruit... »

L’Église pour sa part est partagée entre le désir de bien évangéliser car la religion doit s'apprendre en lisant et la peur des lectures subversives qui circulent.




Cependant la famille COTTO semble résister
Entre 1780 et 1788 Pierre et Jeanne ont 4 enfants et une petite dernière en 1797 qui va mourir à 7ans.
Perrine, Joséphine (1780) Pierre ( 1783) Marie Anne (1785) Jean (1788) Jeanne ( 1797) que nous retrouverons après la Révolution.
Il semble bien que les fratries ont resserré les liens pour surmonter les obstacles. Les terres du Coudray, du Parissel et du Trécouët sont toujours possédées par la famille, qui y vivent.
Grégoire, le grand-père est toujours vivant, il a 67 ans à la naissance de sa petite fille Perrine en 1780, et dont il est le parrain. Acte de naissance qu'il signe d'une main plus hésitante.
Pierre décède le 30 frimaire an VI à l'âge de 56 ans et Jeanne le 2 novembre 1812 à 63 ans.

Le 18e siècle ne met pas en ''lumière'' La Bretagne qui verse dans les difficultés de tous ordres, les paysans pour la grande majorité sont écrasés par leurs seigneurs et les petits notables qui les servent.
D'une manière générale, à part une ou deux familles qui sont dans une assez grande pauvreté, les familles Cotto de Plélan-le-Grand n'ont pas réellement progressé depuis le 17e siècle, mais elles ont tenu face aux difficultés économiques. Les acquis ont sans doute aidé les familles à s'en sortir et à préserver l'essentiel.

La situation de Plélan-le-Grand: L'industrie et le commerce de la Bretagne dans la première partie du 18e siècle -D'après le mémoire de l'intendant Des Gallois de la Tour – Henri Sée
Plélan-le-Grand est à l’écart des grands flux économiques de la toile, il n'y a pas de gros fabricants spécialisés ni de maîtrise particulière de la toile, en revanche les tisserands de Plélan fabriquent des étoffes de laine qui sont destinées au marchés locaux.
Au début du 18e siècle on compte 150 ouvriers employés au tissage, les femmes et les filles étaient fileuses1.
Le revenu journalier était de 8 à10 sols par jour pour le tisserand et de 4à 5 sols pour la fileuse
En 1784 le revenu passe à 20 sols.
Pour le laboureur l'activité de tisserand est considéré comme un complément de revenus, très utile dans les périodes de mauvais labour.
Cette petite spécialisation lainière de Plélan-le-Grand procure du mieux être mais elle n'a pas permis pour autant de faire fortune, ni a contrario d'être ruiné quand le marché de la toile bretonne s'effondrera au 19e siècle.